Interview pour le magazine C de l’Art
Vinca Migot se livre à l’exercice de l’entretien pour le magazine C de l’art, publié en janvier 2021. Elle rend compte notamment de son approche artistique.
Présentez-vous en quelques mots !
Je suis une artiste d’art visuel. Le dessin et la peinture sont une passion de presque toujours, que je pratique depuis 20 ans à titre professionnel.
Mes techniques, comme mes supports matières, sont variées et évolutives. La richesse d’exploration de ce domaine de l’art me parait si inépuisable que je ne souhaite pas m’enfermer dans un genre particulier bien qu’il y ait un fil conducteur dans mes œuvres.
En effet, j’ai grandi entre une France rurale et des pays en guerre dans le Sud-est asiatique où les mythes, légendes, mystiques et la magie se mêlaient étroitement à la vie du quotidien. C’est cela qui constitue le fil d’Ariane de mon travail dont l’ambition est de laisser appréhender que fantastique et réalité ne font qu’un.
Lauréate de l’Institut de France, je participe à de nombreuses expositions tant en France, par exemple au Grand Palais dans le cadre des Salons Historiques, qu’à l’étranger, notamment au Japon.
Choisissez une de vos œuvres et présentez-la-nous.
Une des œuvres récentes qui illustre de façon peut-être plus perceptible ma conception artistique s’intitule « Le Palanquin des Conquérants ».
Il s’agit d’une réalisation sur panneau de 64 x 140 cm. Cette œuvre allie plusieurs techniques et matériaux : des glacis classiques à l’huile pour la peinture des visages sur des carrés de PVC marouflés sur le panneau qui est lui-même traité à la cire, gravé, creusé et incrusté de différents éléments propres au thème traité (chevelures, flèches, peau).
Les visages, de tous horizons, et le thème, se veulent hors « espace-temps » et mêlent tout à la fois les différentes réalités humaines du désir de conquête et les croyances ancestrales communes qui les animent. Une des significations possibles de cette œuvre, pour paraphraser Voltaire, est que nous avons tous à cultiver notre jardin.
Avez-vous une anecdote à nous raconter sur l’une de vos œuvres ?
L’anecdote qui en fait n’est pas propre à une œuvre particulière, mais qui en concerne plusieurs, c’est la perte de contrôle : partir avec une idée déterminée, à laquelle l’œuvre refuse de se soumettre, ou plus souvent encore n’avoir aucune idée précise, et c’est l’œuvre qui prend les commandes.
Il s’agit d’être dans un état second, intuitif et réceptif aux fulgurances qu’apportent les synchronicités ou la sérendipité, deux notions qui me sont chères. Et le résultat peut être très surprenant. En quelque sorte c’est s’intégrer dans le flux du Wu Wei de la philosophie chinoise, qui permet par dessaisissement de soi de réaliser un certain équilibre et un état de sérénité avec l’univers.
Quel est le but ultime de votre carrière ?
Je ne pense pas avoir de but ultime. J’éprouve surtout une très grande gratitude de pouvoir exercer mon métier et de ressentir beaucoup d’émerveillement et de joie en contemplant les œuvres de beaucoup d’autres artistes.
Être reconnue et « appréciée » est un formidable moteur, mais s’il y a un but, c’est surtout de garder et continuer à chérir cette passion que j’ai la chance de vivre. Si je devais me réincarner, j’aimerais que ce soit en artiste plasticien et si possible en ayant plusieurs autres arts à mon arc.
Quel est votre rêve d’artiste ?
Bien sûr, je peux évoquer la fortune et la gloire qui me seraient fort agréables. Ce n’est pas très original, alors au-delà, j’aime être partie intégrante de ce foisonnement et de cette liberté de créer (sans nier pour autant les contraintes) de notre époque avec laquelle je me sens en phase.
Le rêve d’artiste pour moi est d’allier technique, imagination, intuition, créativité et liberté sans résistance au Wu Wei. La finalité est d’arriver à me reconnaître dans l’œuvre en y ayant mis le meilleur de moi-même au moment de sa création, en harmonie avec quelque chose de plus vaste. Ensuite, j’aime poursuivre le rêve en passant encore et encore à l’étape suivante, avec des doutes, des interrogations, des tourments et de la joie.
Néanmoins, le plus grand rêve serait de réaliser un saut quantique dans ma façon de voir et d’accomplir.
Pour vous, est-ce que l’art est utile à la société ? Quel est le rôle de l’artiste ?
L’art n’est pas qu’utile à la société, je pense qu’il est aussi nécessaire, toutes les formes d’art. Ceci pourrait se démontrer par le simple fait que notamment les arts pariétaux et rupestres remontent au moins à des temps préhistoriques, et que l’art s’est manifesté à toutes les époques et sur tous les continents. Cela n’aurait pu être le cas en l’absence d’une utilité.
Par ailleurs, l’art au sens le plus large est, me semble-t-il, présent en tout, à l’état naturel, comme la forme d’un nuage, ou à l’état de transformation, jusque dans l’horreur parfois. L’art est un souffle vital. L’artiste est avant tout un instrument de l’art, il le ressent, l’exprime, mais ne le contraint pas.
Que voulez-vous exprimer dans votre travail ? Quel est votre message ?
Il ne s’agit pas d’un message, mais d’une chose profondément ancrée en moi que j’essaye de traduire dans mes œuvres, une sorte de quête et aussi moins sérieusement une aventure ludique. Je ne cherche pas à transmettre, juste exprimer ou transmuter ce qui me parait important.
Autant j’apprécie la diversité, les différences, les spécificités, autant je suis à la recherche de ce qui unit et rallie, les points communs, ce qui existe aussi par-delà l’espace et le temps, qui relève de l’âme et de l’invisible tissant de la magie entre les êtres. J’ai perçu cela notamment au travers des pays dans lesquels j’ai vécu, des cultures, philosophies et croyances que j’étudie. Constater ce qui est différent, voire qui oppose, mais sans oublier les synergies convergentes.
Le message pourrait être celui du Professeur Linus Pauling (Prix Nobel de chimie et prix Nobel de la paix) :
« La vie, ce n’est pas les molécules, mais les liens qui existent entre elles. »